Les intentions de la troupe
(NB : Bien peu nombreux sont les dossiers de presse qui ne contiennent pas les élucubrations d’autosatisfaction de l’auteur ou du metteur en scène. La tentation était trop forte, le lecteur ne pourra pas y couper. Cependant, seul le dernier paragraphe compte, et le lecteur pourra donc s’y rapporter directement, ce qui lui permettra de gagner du temps. Car tout le reste n’est que littérature…)
Un critique, commentant « l’Eventail de Lady Windermere » - précédente pièce d’Oscar Wilde - avait reproché à ce dernier un certain manque d’action. Wilde, commentant à son tour le premier acte d’une « Femme sans importance », précisa à ce critique : « il ne s’y passe aucune action : c’est un acte parfait ! »
Les quelques spectateurs qui nous ont fait la gentillesse de suivre nos dernières et récentes élucubrations scéniques ne manqueront pas d’être surpris : la marque de nos spectacles est plutôt celle du rythme endiablé, des rebondissements à chaque coin de réplique, des intrigues – sinon exaltantes – à tout le moins prenantes. Seulement, chez Oscar Wilde, l’action est dans les mots : « ce que nous demandons à l’artiste, c’est l’originalité de la forme, non du sujet. Il n’y a que les gens sans imagination pour inventer. »
Après avoir renoué - avec un certain succès, avec Marcel Aymé (ou après avoir renoué – avec un certain Marcel Aymé, avec le succès), monter Oscar Wilde est un retour aux sources de la Compagnie, lorsque celle-ci, en 1989, créait son premier spectacle, « Il est important d’être Aimé ». Depuis, nous avons vieilli, muri. Oscar Wilde, non. Il reste cet éternel adolescent, provocateur, insolent, ironique, extraordinairement brillant, excessif à tous points de vue.
Notre époque, qui adore les martyrs dès lors qu’ils sont païens, tente parfois d’en faire le chantre d’une cause ou d’une autre – forcément bien pensante. Elle se trompe. La seule cause d’Oscar Wilde, c’est l’Art. L’Art qui ne doit tendre qu’à la recherche du Beau. « Dire d’un livre qu’il est moral ou immoral n’a pas de sens », déclarait-il à propos du Portrait de Dorian Gray. « Un livre est bien ou mal écrit, c’est tout ».
Ainsi, Oscar Wilde, c’est le triomphe de la forme sur le fond. Anticonformiste, il ne se prive pas de porter un regard critique sur la bonne société victorienne – et « Une femme sans importance » est sans doute celle de ses pièces où il se montre le plus incisif. Mais la forme du bon mot l’emportera toujours sur le fond : « on sait comment on se représente la santé en Angleterre : un gentleman-farmer en train de galoper derrière un renard – l’innommable poursuivant l’immangeable ! ».
C’est cet Oscar Wilde-là que nous avons voulu célébrer, celui du paradoxe et de la forme. La scénographie est classique, la mise en scène se veut fluide et discrète – toutes deux veulent donner à entendre ce beau texte – tout en soulignant un peu le drame, pour donner du relief.
Et que le spectateur se rassure. Malgré toute l’érudition de ce qui précède (et vive Internet !), la Comédie de la Mansonnière poursuit son objectif de toujours : celui de distraire et d’amuser – si possible intelligemment – son public, d’offrir à celui-ci un joli moment de théâtre. Si le spectateur sourit, nous aurons réussi !